sur le col de Fenestre
Pour faire suite à l'article de la gazette de mars : L'histoire du sel, la gabelle
Pendant près de six siècles, les routes du sel ont fait la fortune ou la ruine de villes-étapes.
Des milliers de mulets transportant chacun près de 80 kilos de charge (charge : unité de mesure du Comté de Nice) empruntaient les mauvais chemins des Alpes et les cols enneigés. L'itinéraire tenait compte des obstacles naturels et des aléas politiques.
La vallée du Var, qui servait de frontière avec les états de Provence, était considérée comme trop exposée et les vallées de la Tinée (aux mains des Grimaldi) et de la Roya (possédée par les Lascaris de Tende) n'offraient, quant à elles, pas assez de garanties en raison de l'instabilité de leur souveraineté. Les convois partaient par la vallée du Paillon et se désaltéraient à Saint-André-de-la-Roche. Une première version de l'itinéraire rejoignait l'Escarène, Lucéram et Sospel en faisant un long détour pour éviter les gorges de la Vésubie.
En 1433, un personnage hors normes vint proposer un nouvel itinéraire : Paganino del Pozzo, un entrepreneur de gabelle de Nice dont la famille était établie à Cunéo, proposa de construire à son compte une route plus sûre et plus rapide (dénommée ultérieurement route pagarine), à condition de lui laisser percevoir un droit de péage sur les marchandises en transit. Sa route passait par Levens et Utelle, où était effectué un contrôle des sacs pour savoir si le poids réel correspondait à celui qui avait été déclaré. Il fallait au total environ un jour et demi pour rejoindre Saint-Martin-Vésubie, dernière étape avant les cols des Alpes , dont la prospérité était due à son statut de magasin de stockage des denrées en transit entre Piémont et Méditerranée.
Selon les circonstances, les convois franchissaient les Alpes au col de la Madone de Fenestre (notre illustration de randonneur) ou au col de la Corne (ancienne dénomination du col de Tende). L'entrée en Italie se faisait ensuite par Borgo-San-Dalmazzo et Cuneo.
Paganino, dont la population déforma le nom en "Pagari" (pagare veut dire "payer" en italien) se fit construire une maison cossue dite "Paganino" ou "Palais du sel", qui est encore visible aujourd'hui Via Roma à Cuneo. Il se ruina ensuite en voulant étendre son concept de route du sel à péage dans la vallée de la Roya. Il laissera au moins un dicton qui résume mieux qu'un long discours la résignation "Tant que Pagari paghara, Lo Pas passara. Quand pagari paghara plus, Lo Pas passara plus..." Ce qui se traduit par "Tant que Pagari paiera, le col sera franchissable". Dans une variante du dicton est rajouté le "si" italien, ce qui donne "Tant que Pagari se paiera".
(source : Côte d'Azur insolite et secrète - Jean-Pierre Cassely)
Cuneo