Urbino, la ville de « l’Humanisme paisible ».  La cité et ses génies.                                   Gérard Saccoccini

Mercredi 24 novembre 2021  18H00
Salle Polyvalente du Coulet à Tourrettes 

 Urbino est une ville paisible, accueillante, ouverte, qui se livre sans retenue au visiteur soucieux d’appréhender le visage authentique d’une cité d’Italie. Sur le plan de l’équilibre urbain, de la mesure parfaite de l’espace, du terroir et de la société, elle s’avère être le siège harmonieux de tous les rapports et de toutes les fonctions de l’ancienne polis grecque, c’est-à-dire l’osmose accomplie de la cité et de son territoire. 

  Il est intéressant de souligner que, pendant toute la Renaissance, tout ce que l’on demande à l’artiste hébergé à la cour d’Urbino c’est d’avoir du génie. En contrepartie de quoi il bénéficie du gîte et du couvert au palais, ou bien, s’il loge en ville, de subsides conséquents. Sa liberté de pensée est totale.

 A l’inverse de ce qui se passe à Florence, à la cour des grands ducs de Toscane, point n’est besoin de plaire pour être en grâce, ni de se soumettre au jeu subtil des luttes d’intérêt pour s’y maintenir sans risquer de tomber en défaveur, car les caractères de la trempe d’un Benvenuto Cellini sont extrêmement rares. 

      Bénéficiant d’un mécénat humaniste raisonné, dispensé d’adhérer au parti du pouvoir, dégagé de l’obligation de « paraître » et de toute contingence matérielle, l’artiste jouissait pleinement du statut d’homme libre, exprimant son génie dans un environnement riche et serein. Sous la sage administration d’un humaniste protecteur, esthète éclairé, voilà ce que la ville pouvait offrir à ses enfants. 

  A ce titre, si Florence demeure le creuset incontesté du génie italien et de la Renaissance universelle, incontournable pour qui veut s’abreuver aux sources du savoir, on peut affirmer qu’Urbino, toutes proportions gardées, fut sans doute l’exemple idéal du berceau de la Renaissance humaniste. 

  Lorsqu’en 1404, le domaine au cœur des Etats pontificaux fut donné à Guidantonio de Montefeltro, alors seigneur du fief de Gubbio, c’était un comté rural d’une extrême pauvreté. Le comté de Montefeltro, augmenté de la seigneurie d’Urbino qui deviendra un duché en 1443, comptait alors un peu plus d’une centaine de villages répartis autour de quelques villes et châteaux, peuplés d’environ 50 000 habitants. 

  A l’avènement de Frédéric, quarante ans plus tard, celui-ci prit l’engagement de ne jamais peser sur les finances locales, convaincu que le comté ne devrait jamais pourvoir à ses revenus mais que c’est à lui qu’il incomberait de subvenir aux besoins du territoire. 

  Associées à la science des armes, la conduite prudente de la guerre, l’éducation humaniste et la philosophie aristotélicienne du « bon gouvernement » lui assurèrent la fortune et la stabilité qui lui permirent de se consacrer à ses ambitions princières.

   Engagé dans un grand effort de réorganisation politique du domaine, Frédéric accorda une attention particulière aux problèmes urbanistiques, architecturaux et sociétaux, marquée par les idéaux humanistes développés par l’architecte Leon-Battista Alberti et par le philosophe Marsile Ficin qui résidaient à sa cour.

   Dans ce creuset, se fondirent les influences flamandes, germaniques, siennoises, florentines et du royaume de Naples pour forger l’âme de la ville et la conscience du mythe renouvelé de la « cité idéale » harmonieuse, ordonnée et fonctionnelle. 

      Cette conscience marqua d’une empreinte indélébile tous ses artistes et tous ses enfants, et plus fortement encore, ceux qui, comme le grand Raphaël, eurent le privilège de naître en ces lieux qu’ils n’oublièrent jamais.